comment les reconnaître ? Qui sont-ils ? Où sont-ils ?
Pour cet article, notre réflexion est partie d’une sculpture, celle d’Héro et Léandre, exposée au Musée d’Art Roger Quilliot à Clermont Ferrand. Une œuvre façonnée par Georges Diebolt en 1861.
Étonnés de voir un thème malgré tout assez peu représenté, l’idée est venue de partager quelques clés iconographiques sur la représentation de l’amour dans le monde gréco-romain. Cet amour antique est figuré dans tant de tableaux et sculptures… Il est facile de s’y perdre et de ne voir qu’un homme et une femme s’enlacer, s’embrasser.
Certains couples ont pourtant une histoire bien singulière. En vous les narrant, ces histoires, j’ai à cœur aujourd’hui de vous permettre de les reconnaître.
En effet, certains détails apparaissant dans un tableau, une scène, une posture, un décor, vous permettront d’en identifier les protagonistes et leur relation.
Aussi, la lecture récente d’un ouvrage à propos des sculptures présentes dans les jardins du château de Versailles, m’a inspiré pour parler de l’influence qu’a eu la mythologie sur l’histoire des arts, notamment à l’époque du Roi Soleil qui a fait construire un ensemble monumental de sculptures, toutes liées à la mythologie.
C’est pourquoi cet article parlera évoquera aussi sommairement ce qui a motivé la mythologie et sa réception à exister bien après l’Antiquité et ainsi, à être toujours présente autour de nous, dans notre environnement et notre architecture.
Quel propos sert la mise en scène mythologique après l’Antiquité ?
Pourquoi voit-on de nos jours, énormément d’œuvres d’art mettant en scène la mythologie ? Présents même dans des châteaux qui ne semblent pas avoir grand chose à voir avec cette époque antique.
Cela a tout à voir avec la force du symbole, de la métaphore, de l’allégorie.
Prenons comme exemple, comme je l’ai évoqué plus haut, le château de Versailles :
Louis XIV avait pour ambition que Versailles devienne le plus grand musée en plein air qui ait jamais été conçu. Son emblème, le soleil, ( pour le Roi Soleil ) opère une référence directe à la mythologie et place le monarque en filiation directe avec Apollon et l’imaginaire solaire.
Le jardin de Versailles, par ses sculptures s’inspire directement de l’héritage gréco romain qui irrigue les différents îlots sculptés par le biais de trois imaginaires bien précis :
- Les épopées : Iliade, Odyssée et Enéide.
- Les Métamorphoses d’Ovide.
- Les Bucoliques propres à la poésie latine de Virgile, avec ce lieu emblématique qu’est l’Arcadie.
Ici, on se rend compte que l’utilisation de la mythologie sert un usage politique.
Puis, plus tard, l’enseignement des jésuites notamment, au cours du 16eme siècle, a volontiers recours, à l’usage culturel de ce système religieux, qu’il vide de sa dimension confessionnelle.
À cette pratique, on peut trouver deux raisons, selon Alexandre Maral, auteur de “Parcours mythologique dans les jardins de Versailles” :
- Les auteurs chrétiens devaient explorer l’univers mythologique pour prendre la pleine mesure des progrès accomplis par le christianisme.
- On se servait du support mythologique pour mettre en valeur des parcelles de vérité chrétienne.
- Aussi, il s’agissait de maintenir, à travers le langage mythologique, qui en était le signe le modèle d’universalité dont la Rome des Papes était dépositaire en tant que capitale de la chrétienté.
La mythologie et sa réception était comme la langue commune des élites lettrées et catholiques. La mythologie était devenue un signe de civilisation.
Usage après usage, quel qu’il soit, la mythologie reste donc bien vivante.
Mais pourquoi tant de succès ?
La mythologie offrait, comme dans l’Antiquité, une grille de lecture du monde environnant et une manière imagée d’investir le monde.
Le mythe devient un moyen vivant et poétique pour comprendre les réalités invisibles et surtout celles qui semblent difficiles à expliquer.
Elle permet de “donner du corps” à des principes universels abstraits.
La mythologie permet aussi beaucoup l’allégorie : elle présente une pensée sous l’image d’une autre pensée mais de manière à la rendre plus accessible et plus frappante que si elle était exposée directement.
En bref, la mythologie était devenue une contemplation mystique et imagée d’une réalité sur laquelle on n’avait pas de prise.
Maintenant que nous avons fait le point sur le poids qu’elle représente dans notre société et pourquoi, intéressons-nous à l’imaginaire qu’elle convoque, de façon à pouvoir comprendre plus aisément lorsque nous sommes en face de scènes mythologiques, avec ce lieu quasi mystique qu’est l’Arcadie.
Quel décor pour reconnaître nos amoureux ?
Le thème et l’imaginaire sont surtout exploités par l’imaginaire romain mais le lieu est grec.
L’Arcadie est une région du Péloponnèse. Selon la légende, il s’agirait de la première région habitée de Grèce.
Nous voyons déjà ici se déployer le sème des origines, du début, de la pureté, de l’âge d’or des premiers jours.
Pour comprendre l’Arcadie, on se base sur des supports divers : fresques, jardins, textes…
L’Arcadie est particulièrement populaire dans l’imaginaire romain pour une raison politique : au 1er siècle, Rome est frappée par une crise qui touche autant les institutions, les croyances religieuses, que les usages.
C’est une violente remise en question qui touche le modèle culturel.
Ainsi, on voit de plus en plus de Romains s’interroger sur leurs origines. Ce retour vers le passé, selon Jacqueline Fabre-Serris dans “Un usage romain d’un mythe grec : l’Arcadie, un nom et des images”, se fait comme dans un mouvement d’enquête. De nombreuses disciplines sont convoquées pour y voir plus clair. Notamment le champ ethnographique.
C’est là qu’une donnée semble avoir plus de succès : celle de la venue d’Arcadiens, ( donc de Grecs, dans le Latium. )
Sans rentrer dans les détails, un des chefs de cette population reçoit l’accord du chef des Aborigènes pour s’installer sur les bords du Tibre, autrement dit, sur l’emplacement de la future Rome.
Ainsi, ces Arcadiens introduisent en Italie plusieurs choses :
- le culte de Pan
- l’alphabet grec
- de nombreuses coutumes
Autrement dit, ils sont “civilisateurs” : ils reproduisent en Italie l’évolution de la sauvagerie à la culture dont l’Arcadie, première terre habitée en Grèce, passe pour avoir autrefois été le cadre, toujours selon les mots de Jacqueline Fabre-Serris.
La vraie bascule, c’est que ce grand mouvement d’enquête vient réactiver chez les poètes une des inventions de la littérature alexandrine : la poésie pastorale.
L’Arcadie apparaît alors dans la poésie sous des formes variées : Arcadia, Arcades ou à travers la mention de ses monts.
La vie en Arcadie convoque une série d’images, qui traduisent un véritable mode de vie :
- garder les troupeaux
- vendanger
- être allongé sous les ombrages
- tresser des guirlandes
- chanter
- jouer de la flûte, de la musique
Tout cela dans la douceur de lieux dans lesquels ces activités se déroulent.
Certains auteurs, ainsi, associent la campagne à des amours heureux et fidèles.
Le topos de l’Arcadie, notamment en peinture se retrouve à travers plusieurs items :
- ports
- promontoires
- rivages
- sources
- canaux
- sanctuaires
- bois sacrés
- montagnes
- troupeaux
- bergers
Le tout est d’évoquer par exemple un jardin où l’on peut boire sous les tonnelles, de façon tout à fait romantique.
Ou alors une grotte avec une flûte de berger, qui chanterait à la manière des oiseaux.
N’oubliez-pas, surtout, la couronne de fleurs, faites de violettes, de roses et de lys, apportée par une nymphe.
L’Arcadie, c’est un lieu de plaisir. Un ruisseau, des fleurs, des fruits, des dieux, de l’amour.
C’est un thème inspirant pour les jardiniers qui n’hésitent pas (comme à Versailles) à parsemer les jardins de divinités pastorales sous forme de statues.
Par exemple, vous reconnaîtrez parmi elles :
- Pan
- les faunes
- le satyre Marsyas
- les nymphes
- les silènes ( créatures aux oreilles pointues, au nez écrasé, aux deux petites cornes sur le front et à queue de cheval ou de chèvre)
- Dionysos
- le berger Pâris
Ces différents acteurs, éminemment symboliques, font parfois l’objet d’un type de sculpture précis : les termes.
Le mot vient de Terminus, une divinité agricole dont la représentation sculptée était placée aux limites des champs.
Souvent ces sculptures étaient dépourvues de jambes, remplacées par un socle.
Tout cela sert le propos d’authentification d’un lieu à part, dans lequel on peut se retirer loin des occupations urbaines, pour expérimenter un autre mode de vie.
C’est ce mode de vie qui correspondrait à un idéal de bonheur.
En effet, cette peinture est censée réactualiser le récit de l’âge d’or : l’Arcadie, première terre habitée en Grèce sert de cadre à une reconstruction de ce que les hommes ont tenu comme le plus heureux.
Avec cela bien en tête, nous voici prêts à faire la rencontre de nos amants fabuleux.
Dans un premier temps, nous nous attarderons sur le mythe d’Héro et Léandre car cet article a été motivé par la rencontre d’une sculpture figurant ce couple.
Dans un second temps nous ferons un rapide tour d’horizon des couples que vous pourrez rencontrer dans des décors dignes de l’Arcadie.
De cette façon l’iconographie n’aura plus de secrets pour vous et vous pourrez narrer à vos amis des histoires réservées habituellement aux vrais connaisseurs de la mythologie.
Entrer dans la mythologie par le monde des amours c’est entrer par une porte fondamentale et omniprésente.
Et pour cause : l’une des entités qui naît du chaos primordial n’est autre qu’Eros, qui représente le désir, la force vitale.
D’autant plus lorsqu’on sait que les autres grands systèmes de signes, notamment la religion, sont asexués.
Ici, dieux et déesses sont sexués et sont pleinement actifs là- dedans. Cette sexualité ignore les tabous, y compris ceux des hommes.
On ira même jusqu’à dire que la puissance divine s’exprime justement en ne les respectant pas.
Dans la mythologie gréco- romaine, l’amour ose se montrer entièrement, s’affranchir de l’hypocrisie des adorations désincarnées et des frustrations platoniques.
Le désir, la sexualité, le plaisir occupent leur juste place. Et tous les aspects de la passion y sont représentés :
- Liaisons romantiques
- Étreintes furtives
- Aventures sensuelles passionnées
- Incestes recherchés et/ou consentis et/ou imposés
- Histoires abominables de viols et de meurtres
- Destins enchanteurs et dramatiques
- Amants que la mort sépare et réunit
L’amour est partout, triomphant, heureux, comblé : maudit par les dieux et par les hommes. Tout cela parsemé de créatures fantastiques et de pouvoirs fabuleux qui bousculent avec indifférence les destinées humaines.
Héro et Léandre :
Traité en peinture au Louvre : https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010060204
Traité en sculpture au Musée d’Art Roger Quillot de Clermont-Ferrand par Georges Diebolt en 1861.
Cette sculpture figure deux amants entrelacés sur le point de s’embrasser. Quelle est leur histoire ?
Héro et Léandre attendent ce baiser avec impatience, ils fantasment ce moment tout comme ils fantasment leurs retrouvailles. En effet, nos deux amants vivent séparés : ils vivent chacun sur un continent, un seul détroit, celui de l’Hellespont, les sépare. D’un côté la mer Égée, de l’autre la mer de Marmara.
Héro habite Sestos, du côté européen. Elle est prêtresse pour la divine Aphrodite. Léandre, quant à lui, habite Abydos, sur la rive asiatique.
Chaque nuit alors, pour consommer leur amour et vivre heureux, Léandre entame la traversée à la nage du détroit. Dans le contexte de leur amour et de leur impatience, cette traversée peut sembler interminable.
(Bien plus tard, Lord Byron, lorsqu’il était en Grèce, en référence à cette antique histoire d’amour, s’est prêté au jeu de la traversée et s’est même chronométré pour en avoir le cœur net : il lui a fallu 1 heure et 10 minutes. Cela est rapporté dans le livre de René Ponthus (“Histoires amoureuses des dieux et déesses de la mythologie” )
Donc, revenons à nos amants : chaque nuit, Léandre traverse le bras de mer pour rejoindre sa bien aimée.
Afin qu’il puisse avoir un point de repère, Héro allume tout à fait en haut de sa maison une lampe. Léandre est alors guidé dans l’obscurité.
Chaque soir, l’Amour les guide, les transporte, les vivifie.
Mais, une nuit d’hiver, une tempête fait rage dans la région du détroit. Léandre n’en a que faire et n’a qu’un désir : rejoindre sa bien aimée.
Puis, lorsqu’il s’apprête à nager, il hésite. Rapidement le désir et l’amour reprennent le dessus et il s’immerge pour rejoindre Héro.
La pluie fait rage, le vent est tranchant, les vagues glaciales. Notre héros tient bon.
Il arrive finalement au milieu du détroit lorsqu’une bourrasque plus intense que les autres éteint la lampe. Malheur. Il ne voit plus rien et ne sait pas où se diriger dans cette eau sombre. Mais, guidé par son amour pour la belle Héro, il continue de nager, encore et encore. Mais inévitablement, il finit par s’épuiser et ses membres commencent à se paralyser les uns après les autres…Il se laisse finalement submerger par les flots pour l’éternité…Laissant sa belle en proie au désespoir.
De son côté Héro a attendu son amant. Heure après heure, elle se languissait de voir apparaître son Léandre. Puis ne le voyant pas elle a pensé qu’il avait renoncé à la traversée et s’attendait à le voir le jour suivant.
Elle découvre avec effroi le lendemain le corps de son bien aimé recraché par les flots. Elle se précipite pour savoir s’il est encore en vie mais elle ne peut pas avoir de doutes, il se meurt..
Héro dépose sur les lèvres de Léandre un dernier baiser, un baiser d’adieu. Puis elle retourne dans sa demeure à flanc de falaise et, sans hésiter, se jette à son tour dans le vide.
Les autres amoureux méconnus du paysage mythologique :
- Endymion et Séléné :
Traité en peinture au Louvre : https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010055015
Endymion est le fils de Zeus et de Calycé, roi d’Élide ou simple berger selon les versions. En tous les cas, il est d’une exceptionnelle beauté. Il vous faut imaginer le plus bel homme qui ait existé. Même le sommeil en était fou amoureux et en avait fait son amant. Pour jouir toujours de son regard si charmant, Hypnos lui avait accordé de pouvoir dormir les yeux ouverts.
Notre Endymion est si charmant que c’est maintenant au tour de la lune de tomber sous son charme. Alors qu’il est dans un profond sommeil, Séléné, la divinité de la lune, se penche sur lui doucement. Longuement, elle ne peut s’empêcher de le contempler.
Puis, arrive ce qui devait arriver : elle est frappée au cœur. Éperdument éprise, le nombre de leurs enfants n’a d’égal que la grandeur de son amour pour lui : elle aura 50 filles du bel Endymion.
Mais cela se complique malheureusement car selon certaines versions, nous l’avons dit, Endymion est un simple berger ou roi, et ainsi il est mortel. Il commence donc, selon les lois de la physique, à vieillir. Son charme disparaît alors, jour après jour. Séléné ne peut supporter la vision de son amant qui dépérit..
Zeus agit alors en la faveur de la déesse : il plonge Endymion dans un sommeil éternel afin qu’il conserve à jamais sa beauté, sa jeunesse et sa séduction.
Séléné, même si on lui compte d’autres aventures par la suite, la superbe déesse au visage étincelant, dans ses robes d’or et d’argent, vient chaque nuit contempler son amant endormi et vient le caresser de ses rayons.
- Hermaphrodite et Salmacis
Traité en peinture au Louvre : https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010062314
Comme son nom l’indique, Hermaphrodite est le fils d’Hermès et d’Aphrodite. Il n’a d’ailleurs pas uniquement hérité de leurs noms mais aussi de leur beauté !
Cet enfant unique passa son enfance sur le mont Ida, en compagnie des nymphes qui l’élevaient. Puis, un beau jour, Hermaphrodite décide de partir à la découverte du monde. Jeune adulte, ses pas le conduisent bientôt vers la Carie, une région d’Asie Mineure.
Mais dans cette partie du monde il fait très chaud et le jeune homme, à la vue d’un lac, ne pouvait pas être plus heureux. Une eau fraîche, transparente, plus belle que dans ses rêves. Il descend vers la rive pour aller se rafraîchir. Seulement, il entend un bruit, comme des bruissements de feuilles, des craquements de bois.
C’est Salmacis, la naïade, la nymphe du lieu, qui sort d’un buisson après avoir entendu quelqu’un pénétrer son lieu.
En le voyant, sur les rives de son lac, elle est foudroyée par sa beauté. Sans plus attendre alors, elle décide de s’offrir à lui.
Cependant, le garçon, nous l’avons évoqué, est timide car tout juste sorti des couches des nymphes qui l’ont élevé. On peut ainsi comprendre que l’entreprise de Salmacis l’effraie un peu. Hermaphrodite repousse sans ménagement la nymphe.
Elle fait alors mine de se résigner et retourne dans la forêt.
En réalité, elle se cache et elle attend. Elle avait quelque chose en tête.
Se croyant seul, donc, notre Hermaphrodite se met nu ( ce qui est loin d’apaiser notre nymphe … ) et se baigne dans les eaux du lac.
C’était sans compter sur le pouvoir de la naïade et notamment sur le pouvoir qu’elle exerce en ce lieu précis qu’est le lac, son lac.
Sans plus attendre, elle le rejoint dans l’eau, tente de l’enlacer et de s’unir à lui. Comme il résiste, Salmacis implore les dieux de les lier de telle manière qu’ils ne puissent jamais être séparés : sa prière est aussitôt exaucée : Hermaphrodite et Salmacis ne forment plus qu’un seul être, à la fois homme et femme, porteur des attributs des deux sexes.
- Admète et Alceste :
Traité en peinture au Louvre :
https://collections.louvre.fr/en/ark:/53355/cl010053142
Au musée de Grenoble :
Admète est roi de Phères, en Thessalie. Il a dans le passé été l’amant d’Apollon et ainsi peut compter sur lui en toutes circonstances
Admète souhaite obtenir la main de la belle Alceste, mais comme souvent, dans ces histoires-là, pour arriver à cela le héros doit surmonter une épreuve. Ici c’est d’atteler ensemble un lion et un sanglier.
Vrai casse-tête. Mais c’est sans compter sur l’aide d’Apollon qui permet à notre homme de réussir sans encombre cet assemblage singulier.
Et même plus encore, Apollon obtient même que les divinités du Destin accordent une faveur à son ancien amant : il ne mourra pas au jour qui a été fixé pour son trépas, à la condition que quelqu’un meurt à sa place.
Mais revenons à notre histoire d’amour : une fois la main d’Alceste obtenue, notre couple coule des jours heureux, jusqu’au jour où Admète tombe gravement malade. Son état ne fait qu’empirer.
Se souvenant de la promesse d’Apollon, il se charge alors de trouver quelqu’un qui puisse le remplacer auprès d’Hadès.
En vain… parents, amis, serviteurs.. tous se dérobent. Car c’est bien connu, personne ne souhaite mourir avant son heure, qui viendra bien assez tôt.
Mais attendez, non, c’est faux, quelqu’un a bien accepté de se sacrifier. Et c’est la douce Alceste. Elle rend son dernier soupir à l’instant même où Alceste aurait dû mourir. Et ce dernier recouvre alors miraculeusement la santé.
Cependant, et on le comprend assez bien : la vie à laquelle il tenait n’a plus la même saveur sans la présence de son épouse. Surtout après cette extraordinaire preuve d’amour.
Admète est désespéré et prépare les funérailles de son épouse.
C’est à ce moment précis qu’Hercule, qui avait été le compagnon d’Admète dans l’expédition des Argonautes, revient saluer son vieil ami.
Il est très bien accueilli mais réalise rapidement qu’il règne une étrange atmosphère. Hercule veut comprendre et Admète finit par lui révéler la vérité.
Hercule est très ému et décide d’aller chercher la défunte aux enfers. Ce n’est pas la première fois mais ici, dans notre histoire, il rencontre la mort en personne, le grand Thanatos, qu’il doit affronter en combat singulier.
Non sans surprise, le héros de tous les héros l’emporte et ramène Alceste dans les bras du bel Admète.
- Protésilas et Laodamie :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Laodamie_fille_d%27Acaste
Laodamie est très représentée dans les enluminures. Notamment dans les épitres d’Ovide, son histoire est racontée et elle est mise en scène attendant Protésilas, se tourmentant. C’est en effet l’archétype de la femme qui attend que son mari rentre de la guerre.
Ici donc encore une histoire de guerre et d’amour. Très amoureux, Protésilas et Laodamie décident de se marier. Mais à peine unis, on découvre que les sacrifices et rituels qui accompagnent le mariage traditionnellement n’ont pas été respectés.
En conséquence, nos deux époux doivent être séparés.
Protesilas part pour la guerre de Troie le lendemain des noces. Encore pire, il en sera le premier tué, à peine il descend de son navire.
Laodamie, on l’imagine, est folle de douleur. Elle supplie les dieux de lui permettre de revoir son bien aimé. Trois heures, pas plus.
Une demande aussi précise que sincère, qui est quasiment immédiatement acceptée par les dieux.
Les deux amants se retrouvent donc pour quelques heures et quelques moments d’amour intense. Le temps passe, les heures s’écoulent, les minutes se succèdent et l’heure fatidique arrive.
Laodamie ne pouvant pas supporter l’idée d’une nouvelle séparation se donne alors la mort pour accompagner son mari aux enfers et enfin être unis dans l’éternité.
- Arganthoné et Rhésos :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rhésos_(Thrace) Représenté sur les vases grecs par rapport au vol de ses chevaux par Diomède.
On connaît Rhésos dans la mythologie surtout relativement au vol de ses chevaux par Diomède mais ici nous parlerons bien de ses amours.
Ce héros Thrace est intrigué par une histoire qui parvient de façon récurente à ses oreilles : une jeune femme qui vit dans la région de Cios, passe son temps, à l’instar de la grande Artémis à traquer le gibier avec une grande meute de chiens !
Bien décidé à en savoir plus, Rhésos part alors pour cette région pour faire la connaissance de cette chasseresse singulière.
Dès leur premier échange, il lui propose de l’accompagner dans ses courses en forêt.
Il n’en fallait pas plus pour qu’elle tombe amoureuse de lui. Ils consomment leur amour dans une clairière près d’une cascade.
Une fois n’est pas coutume, la guerre de Troie sépare une fois de plus un de nos couples.
Les Troyens ont besoin de Rhésos et font appel à lui.
Pour le retenir près d’elle Arganthoné use de tous ses charmes et réussit à retenir son amant près d’elle jusqu’à la dixième année de la guerre. Il finit pourtant par y aller, lui jurant de revenir bientôt.
Comme l’épisode célèbre du vol de ses chevaux nous le raconte, il n’aura ni le temps de trahir sa promesse, ni celui de la tenir. Il meurt tué dans son sommeil par Ulysse et Diomède.
Arganthoé sombre dans un profond désespoir. Elle cesse de manger et de boire. On dit même que ce sont ses chiens qui l’entrainent à la chasse. Finalement, c’est trop pour, elle ne supporte pas la mort de son amant et met fin à ses jours. Elle le fera dans la clairière où les amants ont fait l’amour pour la première fois, après avoir crié le nom de Rhésos jusqu’à l’épuisement.
- Philémon et Baucis :
Traité en peinture par Jacob van Oost avec son tableau Mercury and Jupiter in the House of Philemon and Baucis mais aussi par Rembrandt, Adam Elsheimer, Rubens..
Cette histoire, je l’aime particulièrement car elle nous permet de regarder autrement nos grands voisins que sont les arbres.
Philémon et Baucis, pour changer un peu de nos histoires de nymphes et autres déesses, sont deux paysans. Ils habitent une demeure bien modeste.
Un soir, dans leur village, deux jeunes gens demandent l’hospitalité mais personne ne la leur offre.
Mais, en dépit de leur pauvreté, Philémon et Baucis leur offrent ce qu’ils possèdent de meilleur pour faire honneur à ces singuliers voyageurs.
Ils réalisent rapidement qu’il ne s’agit pas de simples voyageurs. Oui, car si l’on observe bien, les jarres de vin sur la table se remplissent toutes seules…
Nos deux paysans en ont le cœur net : ce sont des dieux ! Pour faire face à un tel honneur, ils décident de sacrifier leur unique oie.
Mais Zeus et Hermès, car c’est d’eux qu’il s’agit, refusent et demandent plutôt à Philémon et Baucis de les suivre sur la montagne voisine. C’est un beau point de vue habituellement, car on peut y admirer leur village aisément. Mais ici surprise, là où se trouvait le village, il n’y a plus qu’un lac ! La colère divine s’est abattue sur ceux qui n’ont pas respecté le devoir ( sacré ) d’hospitalité. Ainsi, seule la cabane de Philémon et Baucis a été épargnée.
Puis, sous leurs yeux ébahis, la cabane se transforme en un temple somptueux.
Lorsque Zeus leur demande quel est leur vœu le plus cher, ils répondent qu’ils souhaitent devenir les servants du temple et mourir ensemble.
“Que la même heure nous emporte, que jamais je ne voie le bûcher de ma femme, que jamais elle ne me mette au tombeau” peut-on lire dans Les Métamorphoses d’Ovide.
- Pomone et Vertumne :
Camille Claudel les a sculpté :
Francesco Melzi les a peint :
Vertumne et Pomone, tableau de Francesco Melzi, v. 1520.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vertumne_et_Pomone#/media/Fichier:Vertumne_et_Pomone_(Gem%C3%A4ldegalerie,_Berlin)_(11357265663).jpg
Pomone est une nymphe d’une grande beauté. Elle est la déesse romaine des fruits. Elle réside dans un bois sacré qui lui va comme un gant : le Pomonal, situé sur le route qui va de Rome au port d’Ostie.
Il lui va comme un gant ce Pomonal, car c’est elle qui l’a créé pour qu’il réponde à ses besoins. En effet, la nymphe ne se plait pas dans la nature sauvage, alors elle a créé un jardin organisé et soigné, un parc magnifique planté d’arbres fruitiers et de buissons de fleurs ( l’Arcadie…? )
Dans ce sanctuaire, elle refuse d’être dérangée et surtout courtisée. Mais tous les dieux champêtres se pressent à sa rencontre. C’est elle qui décide qui passe le seuil du Pomonal, n’acceptant de recevoir que ceux qu’elle choisit.
Quand Vertumne, le dieu des saisons et protecteur des arbres fruitiers demande à la rencontrer, on peut se dire que ces deux-là auront beaucoup à échanger et que Pomone partagera de beaux moments avec lui. Mais, comme beaucoup, il est éconduit.
De plus en plus amoureux, Vertumne ne se décourage pas. Il est doté du pouvoir de changer de forme. Ainsi, il arrive devant Pomone sous les traits d’une vieille femme courbée par l’âge. Elle complimente Pomone sur la beauté de ses arbres, de ses fruits et…loue Vertumne. Puis il change de forme et reprend les traits du jeune et vigoureux laboureur qu’il est. Pomone tombe immédiatement sous son charme. Notre couple coulera alors des jours heureux, vieillissant puis rajeunissant, à l’instar des saisons.
Facile non ?
Nous arrivons ici à la fin de notre voyage en terres amoureuses. J’espère que cette incursion dans les méandres de la mythologie et de sa réception a été enrichissante et je vous retrouve le mois prochain pour une prochaine chronique !
BIBLIOGRAPHIE :
FABRE-SERRIS, Jacqueline. Un usage romain d’un mythe grec : l’Arcadie, un nom et des images ? In : Mythe et fiction [en ligne]. Nanterre : Presses universitaires de Paris Nanterre, 2010 (généré le 29 mars 2024). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/pupo/1849>. ISB
PONTHUS René, Histoires amoureuses des dieux et déesses de la mythologie, Ixelles Editions, 2012.
MARAL Alexandre, Parcours mythologique dans les jardins de Versailles, Boutique des Musées, Chateau de Versailles.